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Un jeu pour les ingénieurs de la NASA
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Lorsque l'on a inventé (on pourrait presque dire découvert) le concept de ON/OFF, il nous était impossible de savoir si le jeu serait facile ou difficile. Les différents types de blocs nous sont venus naturellement, sans chercher, et constituaient un tout parfaitement cohérent et homogène. Il était dès lors évident que nous devions réaliser cette idée.
Quelques heures plus tard, nous avions un prototype entre les mains, puis un éditeur de niveaux. Sous la forme d'une application séparée, avec les niveaux stockés côté serveur pour permettre un travail collaboratif, cet éditeur nous a permis d'expérimenter toutes nos idées de level design. Ce concept de jeu simple a engendré un foisonnement d'idées de puzzles.


L'éditeur de ON/OFF (app privée)

A force de pratiquer, nous avons acquis une maîtrise parfaite du concept et des méthodes de résolution. Ce jeu est finalement très algorithmique : pour résoudre un niveau, il faut mettre au point, consciemment ou non, un algorithme de résolution. Et cet algorithme est spécifique à chaque niveau. Il demande parfois de penser de nombreux coups à l'avance, comme aux échecs. Certains joueurs nous ont avoué avoir recours au bon vieux papier-crayon pour résoudre les puzzles difficiles.

Lors des premières étapes de développement de ON/OFF, nous n'avions qu'un concept précis en tête mais nous n'avions aucune idée de l'étendue des possibilités en matière de conception de niveaux. Lors des phases avancées du développement, nous avions acquis une telle maîtrise que tout puzzle nous paraissait résoluble par quiconque au prix de quelques efforts cérébraux consentis.



Nous voulions lancer le jeu juste avant Noël et pour tenir les délais nous avons négligé une étape clé du développement : les tests utilisateur. Nous n'avons mis le jeu dans les mains d'utilisateurs que bien trop tard, le jeu était déjà soumis et prêt à être lancé. Voir des gens normaux jouer à ON/OFF nous a rapidement fait comprendre que le jeu était peut-être trop austère et trop difficile pour le commun des mortels. Une fois le jeu sorti, le doute n'était plus permis : beaucoup trop de joueurs se décourageaient rapidement et se détournaient du jeu avant la fin des 40 niveaux gratuits.



Ce problème s'est traduit par une très mauvaise rentabilité. Loin des 5% de conversion des téléchargements en achats intégrés que l'on pouvait attendre, on a à peine dépassé les 1,4% ! Sur près de 1 million de téléchargements, le manque à gagner est conséquent.

Mais que pouvions-nous faire ? Il était hors de question de jeter à la poubelle nos magnifiques niveaux compliqués, pour lesquels nous avons sué sang et eau. Il n'était pas plus question de bourrer le jeu avec des niveaux trop faciles, car ce concept n'a d'intérêt que dans la difficulté. Nous avons diffusé une mise à jour permettant aux joueurs de résoudre les niveaux dans n'importe quel ordre, mais elle est arrivée bien après le pic de téléchargements et l'impact n'a donc pas été significatif.


La satisfaction des 150 ingénieurs de la NASA qui ont terminé ON/OFF

Au final, nous avons conçu sans le vouloir un jeu destiné aux ingénieurs de la NASA. Ce n'est clairement pas compatible avec les attentes de la majorité des joueurs sur iOS. En tant qu'ingénieurs informaticiens, nous n'avons pas su nous mettre à la portée des utilisateurs qui cherchent plus à se divertir qu'à passer des nuits sur des problèmes compliqués.

Il nous reste donc plus qu'à assumer l'aspect difficile et matheux de ON/OFF et à en faire une force, un moyen de différenciation. Il s'agit probablement de l'un des jeux de réflexion les plus difficiles de l'App Store. Quoi qu'il en soit, ce jeu aurait probablement plus sa place sur une console traditionnelle. Il n'est pas tellement plus difficile qu'un jeu comme Polarium, sorti sur Nintendo DS en 2005, et qui nous a d'ailleurs inspiré pour le concept de SEQ.
Jérémie
April 19, 2013